La « thérapie mémorielle » des petits-enfants de la guerre d’Algérie

C’est l’histoire d’un voyage intérieur. Celle d’un trajet qui mène vers des mémoires encore embrasées et des souffrances familiales restées le plus souvent silencieuses. C’est l’histoire d’un voyage dans le temps. Celle d’une quête personnelle de dix-huit jeunes venue épouser la longue destinée de deux pays qui s’attirent et se déchirent depuis près de soixante ans. Onze femmes et sept hommes qui ne se connaissaient pas ont accepté de faire ensemble cette traversée endolorie avec un objectif : apaiser « cette blessure mémorielle » qui froisse la France et l’Algérie, comme l’a décrit Emmanuel Macron.

L’enjeu est lourd. Lourd de sens pour ces jeunes gens, qu’ils soient Français, binationaux et pour certains Algériens. Car, même si la guerre est finie depuis 1962, Linda, Yohann, Alma, Nabil, ou encore Lina (ils ne souhaitent pas que leur nom de famille soit rendu public), qui ont entre 18 et 35 ans, portent malgré eux l’héritage de ce conflit : ils sont les petits-enfants de ces souvenirs tourmentés entre les deux pays de la Méditerranée. Leurs grands-parents ont été combattants du Front de libération nationale (FLN), militaires français, appelés, harkis ou rapatriés (pieds-noirs et juifs).

« Enormément de bienveillance »

Depuis juin, ce groupe – qui s’est nommé « Regards de la jeune génération sur les mémoires franco-algériennes » – échange librement et réfléchit à la manière de rapprocher toutes ces « blessures » pour le compte de l’Elysée. « Il y a eu énormément de bienveillance entre nous », assure Gautier, arrière-petit-fils d’un général putschiste, ancien chef de l’Organisation de l’armée secrète (OAS).

Après cinq mois d’intimes discussions – que Le Monde a pu suivre –, ces jeunes devaient remettre, mardi 30 novembre, plusieurs propositions, sous forme de messages, à Emmanuel Macron, censés nourrir la réflexion du président de la République autour de « la réconciliation entre les peuples français et algérien ».

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Le plus important concerne l’école : ces porteurs de mémoire souhaitent que la colonisation et la guerre d’Algérie soient étudiées en classe et qu’elles deviennent un thème incontournable de l’éducation nationale. Ils estiment que « les Français nés dans les années 1980 (…) n’ont pas bénéficié de cours d’histoire sur cette période dans leur parcours scolaire ». En outre, le groupe suggère de collecter et de diffuser les paroles de personnes qui ont connu la guerre d’Algérie sur un réseau social créé à cette occasion. L’idée est de faire vivre la mémoire des derniers témoins en vie. Ils veulent aussi la création d’un « office des jeunesses franco-algériennes » pour rencontrer et mener des projets avec leurs alter ego de l’autre rive. Et le plus symbolique des messages s’adresse à Emmanuel Macron : les jeunes lui proposent de prononcer « un grand discours » sur la guerre d’Algérie qui « reflète toutes les mémoires » sans être « nécessairement fondé sur des excuses » mais « tourné vers l’avenir ». A lui de choisir désormais…

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