La coroner a reçu un «rapport vierge» et une «fiche Excel» sur les visites en CHSLD

Le ministère de la Santé a remis au Bureau du coroner une « fiche Excel » qui « comptabilise ce qui aurait été envoyé par les inspecteurs » ayant effectué des visites en CHSLD au printemps 2020.

C’est ce qu’a annoncé, lundi, la coroner Géhane Kamel, qui enquête sur les décès survenus en CHSLD lors de la première vague de la pandémie. Elle avait pourtant demandé qu’on lui remette chaque rapport d’inspection.

Rappelons que la sous-ministre adjointe aux Aînés, Natalie Rosebush, avait témoigné que rien n’avait été conservé, tandis que le premier ministre François Legault assurait qu’« aucun rapport n’a été détruit ».

Québec avait jusqu’à lundi pour fournir tous les documents demandés au Bureau du coroner.

Or, Me Kamel a déclaré n’avoir reçu qu’un « rapport vierge » accompagné d’une « fiche Excel ». Elle s’est demandé « ce que je fais avec ça » et s’est réservé le droit d’assigner des inspecteurs à témoigner.

« Ma tête n’est pas encore faite », a-t-elle déclaré, soulevant la possibilité de prendre encore plus de temps en janvier afin d’« être capable de donner des réponses aux familles ».

Elle a affirmé qu’elle demanderait des précisions à Mme Rosebush dès mercredi, lorsque celle-ci comparaîtra de nouveau.

En cours de journée lundi, Me Kamel a également réclamé les « inspections ministérielles usuelles qui ont eu lieu lors de la première vague dans les établissements visés par l’enquête et, s’il y a lieu, les rapports afférents ».

« Vous commencez à me connaître […], je suis parfois une petite boîte à surprises. Si j’ai l’impression qu’on n’a pas bouclé la boucle, je ferai en sorte qu’on entende de nouveaux témoins. »

Les deux chapeaux d’Arruda : « ça me fatigue », dit Kamel

Son enquête s’est poursuivie au palais de justice de Shawinigan, avec le témoignage du Dr Jasmin Villeneuve, médecin-conseil à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

La coroner a voulu savoir si l’INSPQ adaptait ses avis en fonction des stocks disponibles.

« Dire qu’on n’a pas de pression serait mentir, a répondu le Dr Villeneuve. Dans le cas du manque d’équipements, ça ne peut pas changer nos recommandations.

« On a un moment donné recommandé le N95 pour des interventions générales aérosols et on s’est fait dire : “On va en manquer”. Bien, ça prend ça. Ce n’est pas à nous de gérer le stock. C’est plate à dire, mais c’est ça. »

Me Kamel s’est alors prononcée sur le double rôle du directeur national de santé publique, Horacio Arruda, qui est également sous-ministre. « Cette convergence-là me fatigue », a-t-elle déclaré.

Elle a enchaîné en disant être « contente » d’entendre que l’équipe du Dr Villeneuve avait fourni pendant la pandémie des orientations « scientifiques ».

Était-il question des CHSLD en janvier ? « La première question, c’était : “Est-ce que ça va être comme le SRAS ou moins pire ?” Ce n’était même pas : “Est-ce que ça va être pire ?”», a indiqué le Dr Villeneuve.

Un « trou noir »

Me Kamel a déclaré qu’elle peinait toujours à « combler » ce qui s’était passé au Québec entre les mois de janvier et de mars 2020, une période qu’elle qualifie de « trou noir ».

« On a comme des versions contradictoires depuis le début », s’est-elle plainte.

Lundi, la Dre Jocelyne Sauvé, vice-présidente aux affaires scientifiques à l’INSPQ, est venue défendre les scénarios catastrophiques présentés au comité de direction du ministère de la Santé le 9 mars 2020.

Elle a affirmé que l’INSPQ s’était fié à Wikipédia ainsi qu’aux « chiffres qui sortaient de la Chine » pour faire ses prédictions. Il anticipait des risques de débordement majeurs dans les centres hospitaliers.

Pourquoi avoir attendu le 9 mars pour présenter des scénarios aux autorités, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lançait des avertissements dès janvier ? a demandé Géhane Kamel.

La sécurité civile du ministère de la Santé s’est mise en alerte le 24 janvier, a répondu la Dre Sauvé. La coroner a annoncé son intention de convoquer en janvier le responsable de la sécurité civile, Martin Simard.

« Je vous annonce que mon morceau de puzzle qui manque, c’est Martin Simard », a-t-elle déclaré.

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