cinq ans de prison, dont un ferme, et 375 000 euros d’amende requis contre l’ancien premier ministre

Le parquet général a requis, lundi 29 novembre, cinq ans d’emprisonnement, dont un ferme, envers François Fillon au procès en appel de l’ancien premier ministre pour des soupçons d’emplois fictifs de son épouse Penelope Fillon.

A l’issue de près de quatre heures de réquisitoire à deux voix, les avocats généraux ont estimé que l’ex-chef du gouvernement devait être reconnu coupable, demandant à ce que la peine, dont la partie ferme serait à purger sous bracelet électronique, soit assortie de dix ans d’inéligibilité. Le ministère public a estimé que « la fictivité » de l’emploi d’assistante parlementaire de Mme Fillon était « établie » et que François Fillon, « personnage éminent de la vie politique », avait été « à l’initiative » d’une « entreprise de détournement de fonds publics ».

Pour Penelope Fillon, qui a « adhéré pleinement » à ce « système d’enrichissement familial », les magistrats ont demandé deux ans d’emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d’amende, ainsi que deux ans d’inéligibilité. Ils ont, enfin, requis trois ans de prison avec sursis et cinq ans d’inéligibilité contre le suppléant de M. Fillon, Marc Joulaud. Selon l’accusation, Mme Fillon a été rémunérée « indûment » comme assistante parlementaire de son mari et du suppléant de ce dernier dans la Sarthe, lors de trois contrats entre 1998 et 2013, pour une rémunération totale de 612 000 euros net.

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Des activités « impalpables », « évanescente[s] » pour l’accusation

Ces réquisitions sont toutefois moins élevées que les peines auxquelles les trois prévenus avaient été condamnés en première instance. M. Fillon avait écopé, en juin 2020, de cinq ans de prison, dont deux ferme, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité ; son épouse, de trois ans avec sursis et 375 000 euros d’amende ; et M. Joulaud s’était vu infliger trois ans d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende avec sursis et cinq ans d’inéligibilité.

Les tâches attribuées à Penelope Fillon étaient « redondantes » avec celles d’autres collaborateurs et cet emploi était marqué par la « confidentialité », puisqu’il était connu seulement du « premier cercle » du couple, a encore souligné l’avocat général, Bruno Revel. « Mme Fillon ne s’est jamais présentée comme la collaboratrice parlementaire de son mari et de M. Joulaud », dans la circonscription, « tout le monde [l’]ignore ! » a-t-il poursuivi, revenant sur chacune des missions que la Franco-Galloise a affirmé accomplir alors.

En ce qui concerne d’abord les « mémos » qu’elle a dit rédiger en préparation des manifestations locales, « il n’en a été retrouvé aucune trace ». La relecture des discours, l’accueil d’administrés à domicile et la gestion du courrier sont autant de tâches jugées « impalpables » par l’accusation. Quant aux « remontées d’informations » depuis le terrain, il s’agit d’une activité « évanescente, pour ne pas dire vaporeuse », a insisté le magistrat.

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« Mme Fillon ne s’est donc pas trompée sur les mots quand elle disait au Sunday Telegraph ne pas avoir été l’assistante de son mari, ou quelque chose comme ça », a lâché l’avocat général, faisant référence à un entretien de la prévenue datant de 2007. Entre 2002 et 2005, Penelope Fillon a aussi été embauchée par le suppléant de François Fillon, nommé ministre. « Quelle situation extravagante que celle d’un député qui se voit imposer un collaborateur », a ironisé M. Revel, décrivant M. Joulaud comme « l’homme de paille » de M. Fillon, un « employeur par procuration ».

Une logique d’enrichissement familial

A son tour, le second avocat général, Yves Micolet, a décrit l’embauche de Mme Fillon comme « conseillère littéraire » en 2012-2013 au sein de la Revue des deux mondes comme un « emploi de pure complaisance », « une sorte de donation déguisée » de la part de Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de la publication et proche de François Fillon. Si les contrats signés par leurs deux enfants aînés comme collaborateur de leur père sénateur entre 2005 et 2007 relèvent là aussi d’une « logique d’enrichissement », le magistrat a, cependant, requis une relaxe partielle et une condamnation pour recel seulement.

En début d’après-midi, M. Micolet avait entamé le réquisitoire en défendant l’enquête du Parquet national financier (PNF) puis l’instruction, menées en pleine campagne présidentielle en 2017, répliquant aux critiques de la défense, qui demande l’annulation de toute la procédure entachée, selon elle, de partialité. « Faire le procès du PNF est un leurre pour essayer de masquer la gravité des faits par les prévenus », a-t-il assené. « Il n’y a pas eu d’immixtion illégale de la justice dans l’élection présidentielle [ni] d’atteinte à la séparation des pouvoirs. »

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La défense de François Fillon a demandé sa relaxe. « On commence ce dossier avec une ampleur extrêmement grande, qui avec le temps se réduit » à « peau de chagrin », a estimé son avocat, Me Antonin Lévy, citant « 41 attestations qui viennent attester de manière précise et circonstanciée de l’apport de Mme Fillon ». « Ce n’est pas parce qu’on n’affiche pas en étendard ses qualités professionnelles que l’emploi est fictif », a-t-il fait valoir.

Lors du premier procès, « je me suis sentie ridiculisée, même parfois humiliée, j’étais tétanisée au point de ne pas pouvoir m’exprimer, comme je l’aurais voulu », avait déclaré Penelope Fillon, au premier jour du procès en appel, se plaignant d’être victime d’un « préjugé ». « Cette fois-ci, j’aimerais vous convaincre », avait-t-elle ajouté. L’audience reprend, mardi, avec la défense des deux autres prévenus.

Le Monde avec AFP

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