Le cinéma chinois indépendant fait de la résistance

LETTRE DE PÉKIN

Et pourtant, ils tournent ! Malgré une censure de plus en plus tatillonne, un certain nombre de jeunes cinéastes chinois ne s’avouent pas vaincus. Courageux, ils persistent à entretenir la flammèche d’un septième art indépendant, quitte à en payer le prix : ne voir leurs œuvres diffusées que dans quelques circuits parallèles et à l’étranger.

Un festival du film court coorganisé par le Goethe Institut de Pékin du 19 au 28 novembre a mis plusieurs de ces cinéastes en valeur. Nombre d’entre eux finissent leurs études à l’étranger (le studio français du Fresnoy est parfois cité au générique) et leurs productions sont extrêmement variées. Peu de points communs entre le petit bijou de poésie surréaliste Formule de la sphère : V = (4/3) πr^3 de Lu Ruiqi et Security Kingdom, un documentaire bien sombre de Ni Ready sur une entreprise de sécurité privée chinoise en Angola qui montre que, décidément, les « routes de la soie » de Xi Jinping sont parfois bien cabossées.

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Un thème cependant domine : la famille. Ou plutôt sa désintégration. Dans Microscope, Wang Pingbo dresse le portrait d’un petit garçon qui se fait gronder par sa mère qui l’élève seule dès qu’il prononce le mot « papa ». Dans Days of love, Su Yueqin, étudiante à Hongkong filme une discussion par vidéo qu’elle a avec ses parents restés sur le continent. Rien que de très banal au début jusqu’à ce que la jeune fille accuse son père d’attouchements, un soir où il était saoul. L’horreur.

Réalisé par Luo Runxiao, Hair Tie, Egg, Homework Books narre l’histoire d’une élève modèle désignée par la maîtresse pour lire devant ses camarades de classe et leurs parents un poème à la gloire de la cellule familiale en Chine. Un honneur qui est en fait un calvaire pour cette sage ado dont le père bat régulièrement son épouse. Au dernier moment, elle n’aura pas à réciter le poème, « sauvée » par un de ses camarades qui, humilié en public pour ses mauvais résultats, tente de se suicider en sautant par la fenêtre de sa classe.

Une histoire pas toujours glorieuse

Quand ils ne sont pas sous pression, les ados sont livrés à eux-mêmes, comme dans Growing, un documentaire de Liang Jingyuan montrant une jeune fille de 17 ans, délaissée par sa mère trop occupée avec ses amants. « Ma mère m’a conseillé de me suicider mais, quand j’ai voulu sauter par la fenêtre, elle m’en a empêchée car elle ne voulait pas que je fasse cela chez elle », témoigne la gamine.

La Chine vient de faire savoir qu’en 2020 son taux de natalité n’a été que de 8,5 pour 1 000 habitants. Jamais, depuis 1949, il n’était passé sous la barre des 10 pour 1 000. A sa manière, chacun de ces films offre un élément d’explication.

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