Décès en CHSLD: La coroner a trouvé le «morceau de puzzle» qui lui manque

La coroner Géhane Kamel convoquera en janvier le «morceau de puzzle» manquant à son enquête sur les décès en CHSLD durant la première vague, un acteur central dans la défense du gouvernement Legault de sa gestion de la crise. 

Lundi, elle entendait le témoignage de la vice-présidente associée aux affaires scientifiques à l’Institut national de santé publique du Québec, la Dre Jocelyne Sauvé.

Outre la présentation des différents scénarios de pandémie élaborés en mars, cette dernière a été pressée par la coroner d’expliquer le délai entre l’alerte lancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en janvier 2020 et la réponse donnée par Québec plusieurs semaines plus tard, début mars.

«Je ne comprends pas qu’est-ce qui se passe? [En janvier], on a le Dr Arruda (directeur national de la santé publique) qui nous dit : « oui, on avait une indication que ça allait toucher les personnes âgées' », mais après ça, qu’est-ce qui se passe ?», a alors lancé Géhane Kamel.

«Je ne doute pas que les gens ont travaillé entre les deux, mais j’ai comme rien de consistant qui me dit, là on était sur un pied. On dirait que le pied d’alerte est arrivé au mois de mars», a-t-elle.

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Un témoin central

Il revenait à la division de la sécurité civile du ministère de la Santé et à son directeur, Martin Simard, de préparer le réseau à cette alerte, lui a répondu la Dre Jocelyne Sauvé.

D’où l’idée de la coroner de convoquer Martin Simard, le «morceau de puzzle qui [lui] manque», en janvier, à la reprise des audiences.

«J’ai des grands bouts qui commencent à se placer et je comprends qu’un des acteurs, je ne l’ai pas vu, a-t-elle résumé. Ça commence à faire du sens dans ma tête.»

Rappelons que Martin Simard est celui qui a envoyé la première directive aux PDG du réseau de la santé de se préparer à l’arrivée d’une pandémie, fin janvier 2020. Accusé par les partis d’opposition d’avoir menti lors de son propre témoignage il y a deux semaines, l’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, avait brandi cette lettre comme preuve qu’elle n’avait pas tardé à agir.

Kamel insatisfaite

Par ailleurs, la coroner Géhane Kamel s’est dite insatisfaite des rapports d’inspection remis par Québec dans le cadre de son enquête sur les décès en CHSLD.

Lundi, elle a indiqué avoir reçu une «grille vierge» et un fichier Excel «qui comptabilise ce qui aurait été envoyé par les inspecteurs».

Rappelons que le ministère de la Santé s’était engagé à fournir des copies des rapports réalisés par ses inspecteurs et dont l’existence réelle a créé une controverse.

Le gouvernement, par la voix de la sous-ministre adjointe aux aînés, Natalie Rosebush, avait d’abord plaidé que ces rapports étaient seulement remplis verbalement. Devant le tollé créé par les oppositions en réaction à cette affirmation, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) avait ensuite précisé qu’il en existait des «copies de sauvegarde».

Le ministère avait jusqu’à ce matin pour fournir copie de ces rapports pour les établissements concernés par l’enquête de la coroner, ce qu’il a fait.

D’autres témoignages à venir?

Or, les documents remis n’ont pas satisfait la coroner Géhane Kamel qui s’est interrogée à savoir ce qu’elle «fait avec ça».

«La coroner cherche à obtenir les grilles elles-mêmes (complétées par les inspecteurs) et non uniquement les fichiers Excel dans lesquels les données recueillies par les inspecteurs étaient versées», a indiqué son porte-parole par courriel.

«Bien entendu, ce que j’ai demandé via mes procureurs […], c’est d’obtenir copie de ces rapports. Si ce n’est pas possible pour une raison ou une autre, je prendrai une décision de ce que je fais avec ça», a décrété pour sa part Géhane Kamel.

Ouvrant la porte à appeler d’autres témoins à témoigner si elle n’obtient pas les réponses voulues, la coroner a rappelé que Natalie Rosebush doit revenir témoigner cette semaine. Elle sera alors appelée à expliquer la teneur des documents fournis par son ministère.

«Est-ce que les explications me seront suffisamment satisfaisantes pour que j’arrête la procédure là ou je verrai à entendre un certain nombre d’inspecteurs, ma tête est pas encore faite et je veux être la plus transparente possible avec vous là-dessus», a-t-elle expliqué.

L’avocat de familles de victimes décédées en CHSLD lors de la première vague, Me Patrick Martin-Ménard, se demande si les documents fournis par Québec ne prouvent pas que les rapports originaux ont bel et bien été détruits.

«Qu’est-ce qui explique que les rapports originaux ne peuvent être transmis? Il y a encore un grand nombre de questions», souligne-t-il.

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