Le trumpisme sans Trump, formule gagnante pour 2022 ?
2022 sera une année électorale cruciale aux États-Unis et les républicains l’abordent avec une ambition qui semblait jusqu’à peu inconcevable: gagner sans Donald Trump.
Le parti d’opposition ambitionne de reprendre les deux chambres du Congrès aux démocrates de Joe Biden lors des élections de mi-mandat de novembre 2022, deux ans après la défaite du milliardaire républicain à la présidentielle.
Ce scrutin, traditionnellement compliqué pour le pouvoir en place, est l’occasion pour les républicains d’essayer une nouvelle feuille de route, en se débarrassant de l’emprise de Donald Trump, cinq ans après sa victoire fracassante à la Maison Blanche.
Dans le paysage politique actuel, l’ombre de l’ancien président ne plane jamais loin: plus d’un an après sa défaite, les campagnes américaines sont encore pavoisées de drapeaux «TRUMP», des marées de casquettes rouges affluent encore à ses meetings et l’ancien magnat de l’immobilier ne rate pas une occasion d’accorder quelques confidences à la chaîne préférée des conservateurs, Fox News.
Jusqu’à récemment, l’idée prédominante restait que tous les chemins vers le Congrès passaient par Mar-a-Lago, la luxueuse résidence de Donald Trump en Floride, et que, pour réussir à Washington, il fallait être adoubé par le milliardaire, et flatter ainsi les dizaines de millions de partisans qui constituent sa base fidèle.
Privé de son compte Twitter, l’ancien président ne jouit plus exactement de la même influence qu’avant, mais ses parrainages continuent de galvaniser une armée de militants et de générer des dons conséquents pour le parti.
Mais l’ex-président demeure clivant et obtenir son soutien n’est pas forcément la panacée.
«Jusqu’ici, les candidats soutenus par Trump ne s’en sont pas particulièrement bien sortis», souligne Sam Nelson professeur de sciences politiques à l’université de Toledo, dans l’Ohio, un de ces États qui élit tour à tour républicains et démocrates.
«Les candidats républicains aux primaires se bousculent pour recevoir ses parrainages, très utiles dans les courses républicaines, mais ces mêmes parrainages peuvent s’avérer dangereux dans une élection plus large, motivant les démocrates à voter en masse contre le candidat soutenu par Trump», soutient-il.
Les codes, sans le tempérament
Une élection locale en Virginie début novembre a dressé les contours d’une voie alternative: celle d’un trumpisme, sans Trump.
Lorsque le millionnaire républicain Glenn Youngkin a remporté ce scrutin, aux allures de répétition générale pour les élections de mi-mandat, Donald Trump s’est immédiatement fendu d’un communiqué.
«Je voudrais remercier mes partisans de s’être déplacés en nombre pour voter pour Glenn Youngkin», a-t-il applaudi. «Sans vous, il n’était pas été près de gagner.»
Est-ce si certain?
Durant sa campagne, axée sur l’éducation et d’autres grands marqueurs républicains, le candidat de Virginie s’est efforcé de garder l’ancien président à bonne distance. Et a décroché la victoire en dépassant de loin les scores obtenus par Trump en 2020 dans les banlieues résidentielles, notamment chez les électeurs indépendants et les femmes.
Symboles d’une certaine forme de confort à l’américaine, ces banlieues aux maisons blanches et aux pelouses bien taillées seront un des principaux terrains des batailles électorales de 2022. Or, le tempétueux Donald Trump y est moins populaire que dans les grandes plaines rurales du coeur de l’Amérique.
La cote de popularité de l’ancien président a aussi été affectée par l’assaut du Capitole, lorsque ses partisans ont envahi le siège du Congrès américain lors d’une froide journée de janvier.
«Parler du futur»
La victoire de Glenn Youngkin en Virginie sert donc de mode d’emploi pour les républicains: il faut reprendre les codes, les thèmes de prédilection du milliardaire républicain, tout en s’écartant de ses prises de position les plus outrancières qui effrayaient les modérés.
Le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell, a d’ailleurs exhorté le septuagénaire à rester en dehors du scrutin: «Je pense que nous devons parler du futur, pas du passé», a-t-il confié à la presse.
Mais d’autres dans son camp ne sont pas si formels: il serait «idiot» de rejeter le soutien de Trump avertissait récemment Rick Scott, une autre figure d’influence du parti.
Car, pour des millions, Donald Trump est toujours cet homme qui a libéré le pays de l’emprise d’une élite, fait baisser les impôts, et nommé une myriade de juges conservateurs à des postes où ils pourraient avoir une influence conséquente sur les débats de la société américaine.
«Donald Trump est là où il a envie d’être — au centre de l’attention», analyse auprès de l’AFP Peter Loge, de l’université George Washington. «Il est difficile de l’imaginer s’effacer pour que d’autres puissent avoir leur tour sous les projecteurs.»
Les élections de mi-mandat de 2022 seront déterminantes pour savoir le niveau de soutien dont bénéficiera Trump… en vue de la présidentielle de 2024.
«Si les candidats soutenus par Trump remportent les élections, la cote de Trump grimpera», juge le professeur. «Si les candidats soutenus par Trump perdent les élections, sa cote baissera.»